LA DOUBLE INCONSTANCE
Création au centre culturel de Nivelles le 5 novembre 2018.
Silvia aime Arlequin et Arlequin l’aime en retour. Leur affection sincère semble être faite pour durer toute la vie, jusqu’à ce que le Prince, tombé amoureux de Silvia au cours d’une partie de campagne, décide de faire enlever les deux villageois et de les séquestrer à la cour. Avec la complicité de Flaminia, de Lisette et de Trivelin, domestiques à sa solde, il va tout mettre en œuvre pour tenter d’éloigner les amants l’un de l’autre. Et y parvenir. Lorsque la comédie s’achève, Arlequin est tombé amoureux de Flaminia et les noces de Silvia et du Prince sont annoncées.
Cette « double inconstance » n’est pourtant pas gagnée d’avance. D’abord totalement réfractaires aux manigances de la cour, les tourtereaux ne vont que très lentement se laisser séduire. Habilement, les courtisans vont flatter leur orgueil, titiller leur ego. Silvia se montrera sensible aux robes qui lui sont offertes et Arlequin charmé par les mets qu’on lui sert. Eux qui ignoraient tout du paraître vont commencer à se préoccuper de l’image qu’ils renvoient. A leur corps défendant, ils finiront par se laisser corrompre par les ors de la cour.
Il y a du « Secret story », du « Black mirror » dans cette « Double inconstance ». Enfermés, surveillés, émotionnellement éprouvés voire carrément manipulés lors de confrontations scénarisées d’avance, on croirait Silvia et Arlequin engagés dans une émission de télé-réalité ou dans une série diffusée sur Netflix.
Et de fait, Jean-François Demeyère a choisi d’aménager la scène en un large plateau de télévision. Les caméras, les écrans et les moniteurs ont envahi l’espace de jeu. Les spectateurs assis face à face, de part et d’autre du plateau, assistent à un ébouriffant match de catch médiatisé, sur un ring où chacun s’observe en permanence et où tous les coups sont permis.
Le spectacle parle avec brio de la surmédiatisation actuelle du moi et de la relation de plus en plus narcissique que l’homme contemporain entretient avec lui-même. Auto-mises en scène sur Facebook, Instagram, Snapchat. Selfies. On n’en finit plus de se prendre pour des peoples.
Si elle est d’abord une histoire d’amour, « La double inconstance » nous amène à penser le jeu de miroirs dont chacun de nous devient de plus en plus allègrement victime consentante et à vivre avec davantage d’authenticité.
Presse
Plusieurs écrans, placés de part et d’autre de l’espace de jeu, permettent de voir les comédiens sous toutes les coutures. Mieux encore : de les observer dans les coulisses avant leur apparition devant le public. Pour un peu, on se croirait dans « Secret story » ou dans « Black mirror », émissions de télé-réalité. La présence de caméras renforce cette impression de huis-clos, de personnages épiés, enfermés, voire manipulés… Tout en respectant le texte à la lettre, le spectacle fait donc le grand écart entre le XVIIIe siècle et le nôtre. Une classique qui parle de la surmédiatisation du moi. Belle distribution.
Jean-Claude Hérin, La Nouvelle Gazette, 19 novembre 2018 Tweet
Marivaux, selon son obsession, met en présence des personnages qui jouent, à un moment ou à un autre, à dire autre chose que ce qu’ils pensent et faire autrement que ce qu’il conviendrait qu’ils fassent pour rester eux-mêmes. Derrière cela, il y a toute la problématique de l’amour : qui aime-t-on vraiment ? par qui désirerait-on être aimés ? de quelle manière montrer et prouver son amour ? Bref, il s’agit de savoir si et quand on est sincère vis-à-vis de soi et de l’autre. La transposition de l’actuelle médiatisation des vies privées, Jean-François Demeyère la tente en inscrivant l’action de la pièce au cœur d’un studio de télévision. Sur le plateau, se trouvent des sièges, comme cela convient pour les spectateurs d’un enregistrement public ; une partie de ceux venant assister à la représentation de la pièce sont invités à s’y asseoir, face à ceux qui sont installés dans la salle du théâtre. En guise de complément, dans l’espace scénique sont répartis de multiples écrans géants ou ordinaires, retransmettant à foison les images de ce qui se passe là ou dans les coulisses. La troupe accorde un soin particulier au texte et à sa diction. Ce qui, dans le cas de Marivaux, demeure un plaisir car la langue y est nette, élégante, pas trop maniérée. Il en résulte une clarté qui rend explicite l’intrigue. Et qui s’harmonise avec l’esthétique épurée des costumes conçus par Mathilde Van Rossom à la fois très contemporains et symboliquement allusifs à l’habillement d’autrefois, dans la sobriété d’un tissu uni d’une teinte propice à prendre la lumière.
Michel Voiturier, rueduthéâtre.net, 5 décembre 2018 Tweet
DISTRIBUTION & CREDITS
Texte Marivaux
Mise en scène Jean-François Demeyère
Interprétation
Pauline Brisy (Silvia)
Claudia De Brackeleire (Lisette)
Jean-François Demeyère (Trivelin)
Sophia Geoffroy (Flaminia)
Juan Martinez (Arlequin)
Frédéric Kusiak (Le Prince)
Costumes Mathilde Van Rossom
Lumières Arnaud Ghyssels
Scénographie Jean-François Demeyère et Coline Vergez
Images vidéo Abdel El Asri
TOURNEES
6 novembre 2018 – Centre culturel – Bertrix
7 novembre 2018 – Centre culturel – Soignies
du 13 novembre au 16 novembre 2018 – Ferme de Martinrou – Fleurus
19, 20 novembre 2018 – Maison culturelle – Ath
23 novembre 2018 – Centre culturel – Waterloo
25 novembre 2018 – Centre culturel René Magritte – Lessines
du 27 novembre au 1 décembre 2018 – Palais des Beaux-Arts – Charleroi